Photo de Anaïs Rocci de l'ADEME

Épisode 10

Qui sont les climatosceptiques et sont-ils si nombreux ?

Anaïs Rocci, Sociologue à l’ADEME

Si vous avez récemment écouté la radio, allumé votre poste de télévision ou scrollé vos réseaux sociaux, il vous a sans doute été impossible de passer à côté d’un sujet brûlant : celui des climatosceptiques.

Un terme un peu fourre-tout, qui fait référence à une personne considérant que l’activité humaine n’est pas la cause principale du changement climatique.

Et selon le dernier baromètre de l’ADEME et la dernière étude de l’association Parlons Climat, environ 30% des Français seraient climatosceptiques.

Mais quel est leur profil ? Sont-ils du même bord politique ou non ? Quel âge ont-ils ? Que remettent-ils en cause ?

Pour répondre à toutes ces questions, j’ai interrogé Anaïs Rocci, sociologue à l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie), et spécialiste de l’analyse des freins et leviers au changement de comportements et des dispositifs d’accompagnement.

Ensemble, nous avons tenté de mettre à jour le visage de ces climatosceptiques et les raisons qui les font douter de l’origine anthropique du réchauffement climatique. Sont-ils dans le déni ? La désinformation ? Ou sont-ils tous simplement dans le rejet d’une menace qui pèse sur nos modes de vie ?

Je me suis également intéressée à la communication faite autour de ce sujet, au rôle primordial joué par les médias et aux moyens d’actions à mettre en place pour convaincre un maximum de français.

Bref, un sujet passionnant que je vous propose de découvrir aujourd’hui !

Belle écoute

CHIFFRES CLÉS

42%

des individus se positionnant très à droite politiquement sont climatosceptiques

62%

des personnes identifient les activités humaines comme cause du changement climatique

31%

des personnes interrogées déclarent "faire le maximum" pour réduire les émissions de gaz à effet de serre

SOLUTIONS

On ne va pas se mentir, il est difficile de trouver des solutions pour lutter contre le climatoscepticisme à l’échelle individuelle. Mais voici quelques recommandations qui – je l’espère – seront utiles !

  • Pour tout le monde : que vous soyez ou non climatosceptique, convaincu ou encore hésitant, je vous conseille de lire cet ARTICLE de l’association Réseau Action Climat sur les contre-vérités du changement climatique. On y apprend par exemple que – spoiler – quelques degrés de plus suffisent pour bouleverser le système climatique. Ah, la fameuse confusion climat/météo !
  • Pour ceux qui souhaiteraient argumenter avec un climatosceptique – et pourquoi pas – arriver à le convaincre que le réchauffement climatique est d’origine anthropique : voici un petit MANUEL D’AUTO-DÉFENSE publié par Lumo France et qui vise à débunker les arguments climatosceptiques les plus fréquents.  
  • Pour ceux qui émettent encore des doutes et qui souhaitent s’informer davantage : le livre « Tout comprendre (ou presque) sur le climat », édité chez CNRS Éditions.

RESSOURCES

TRANSCRIPTION DE L'ÉPISODE

Charlotte Simoni

Si vous avez récemment écouté la radio, allumé votre poste de télévision ou scrawlé vos réseaux sociaux, il vous a sans doute été impossible de passer à côté d’un sujet brûlant et viral : celui des climatosceptiques, qui fait référence à une personne considérant que l’activité humaine n’est pas la cause principale du changement climatique. Et si l’on en croit les deux dernières études publiées par l’ONG Parlons Climat et l’ADEME, le nombre de climatosceptiques est en légère hausse depuis un an. Mais finalement, que sait-on d’eux ? Existe-t-il un profil type ? Est-ce que ce sont plutôt des hommes ou des femmes ? Sont-ils de bords politiques différents ou similaires ? Quel âge ont-ils et que remettrait-il en cause ? Réponses avec Anaïs Rocci.

Anaïs Rocci

En fait, il y a plusieurs formes de climatosceptiques. Il y a d’abord ceux qui nient complètement la réalité du changement climatique. Mais cela ne représente que 2% de la population, donc, c’est vraiment une minorité qui estime qu’aujourd’hui il n’y a pas de changement climatique. Il y a ceux qui nient la cause anthropique, donc qui considèrent que c’est un phénomène naturel, comme il y en a toujours eu, et donc ceux-là sont particulièrement nombreux dans notre enquête, dans notre baromètre d’opinion. On a effectivement – j’y reviendrai peut-être plus tard – ce pic, cette année, de près de 30% de la population française qui considère que c’est un phénomène naturel. Et puis on a aussi ceux, finalement, qui doutent, qui n’ont pas d’idées précises sur la question, qui ne savent pas forcément se prononcer entre le fait que ce soit quelque chose lié aux activités humaines ou naturelles. Et donc là, on est autour de 6% de la population qui ne se prononcent pas tout. Il y a quand même plusieurs formes de ce qu’on peut appeler climatosceptiques. Mais ce qui nous importe le plus, c’est le fait de nier les causes anthropiques et de croire que c’est un phénomène naturel comme ça a toujours existé, et d’en oublier que ça vient des activités humaines.

Donc, ce sont des convictions qui sont – pour partie – liées à l’âge et également au niveau d’études et surtout à la proximité politique. On a clairement une gauche qui est convaincue face à une droite et une extrême droite qui doutent. Pour donner un exemple : 79% de ceux qui se classent très à gauche sur l’échiquier politique sont convaincus du caractère anthropique du réchauffement climatique contre 49% parmi ceux qui se situent à droite. Donc, il y a un vrai clivage politique sur cette question-là. Et par ailleurs, si on regarde plus précisément ceux qui ont beaucoup de sympathie pour les mouvements écologiques, ils ne sont que 7% à considérer que c’est un phénomène naturel, alors que chez ceux qui n’ont pas du tout de sympathie pour les mouvements écologistes, c’est 50%. Donc on voit clairement qu’on a une posture d’opposition par rapport à ces mouvements écologistes.

Et sur l’âge, on voit depuis des années que les très jeunes, notamment les 15-17 ans, sont très convaincus que le changement climatique est dû aux activités humaines, contrairement aux seniors (65 ans et plus) qui se montrent plus sceptiques vis-à-vis du changement climatique et de son caractère anthropique. Mais on a une tranche d’âge qui sont les 18-24 ans en laquelle on a moins d’explications, c’est beaucoup plus chaotique en fait. Sur cette classe d’âge-là – et ça se renforce très nettement cette année – et même sur les 25-34 ans, les jeunes se montrent particulièrement sceptiques. Donc, par exemple, quand on a 18% des 15-17 ans qui considèrent que c’est un phénomène naturel, c’est 35% chez les 18-24 ans et même 45% chez les 25-34 ans.

Charlotte Simoni

Ces derniers chiffres concernant la tranche d’âge des plus de 65 ans et des 18-34 ans m’ont particulièrement interpellés. Pourquoi le pourcentage des climatosceptiques est-il si élevé chez les plus de 65 ans ? Et comment expliquer que les Millénials et la Génération Z se montrent si sceptiques depuis quelques années ? N’a-t-on pas pour habitude d’entendre que ce sont les jeunes qui sont plus investis dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Anaïs Rocci me donne quelques explications.

Anaïs Rocci

Comme je le disais, il y a vraiment ce clivage générationnel – enfin, je ne sais pas si on peut parler de génération – de très jeunes (15 à 17 ans) qui sont très convaincus et très préoccupés par le changement climatique. Et les 65 ans et plus qui se montrent plus sceptiques. C’est très flagrant dans les enquêtes. Je pense que c’est comme pour les 18-24 ans, il y a plusieurs hypothèses qui peuvent être formulées. En fait, c’est quelque chose qui est très variable dans le temps aussi. Dans notre baromètre, les chosent bougent. On a par exemple un pic de 45% chez les 25-34 ans qui ne s’explique pas facilement non plus. Une des explications que j’ai envie de mettre en avant et qui me semble la plus ressortir de notre enquête sur cette question du changement climatique et que – plus globalement – l’écologie s’est beaucoup politisée ces dernières années. Et en fait, c’est comme une forme de radicalisation des réfractaires, des opposants au discours écologique.

Parmi la population des seniors, on retrouve aussi peut-être un peu plus de personnes de droite, et chez les jeunes, il y a une forme – peut-être – d’entrer dans la politique. Est-ce une influence des réseaux sociaux ? Notre enquête ne permet pas vraiment de faire le lien avec les réseaux sociaux. On n’observe pas de corrélation entre le fait regarder des informations sur les questions environnementales et de changement climatique sur les réseaux sociaux et le fait d’être climatosceptique. Mais en même temps, on sait par ailleurs via d’autres études qu’il y a un vrai lien entre twitter et climatoscepticisme. Même il faudrait creuser plus, car je pense que ce n’est pas neutre quand même. En tout cas, il y a clairement une forme de polarisation, de clivage politique très fort sur ce sujet-là, qui dépasse la rationalité du sujet. Et les seniors sont beaucoup plus préoccupés par les questions d’immigration par exemple que de changements climatiques.

Charlotte Simoni

Ce qui me questionne et me fascine à la fois chez les climatosceptiques, c’est la question du pourquoi. Pourquoi ne croient-ils pas que le réchauffement climatique est dû à l’activité humaine ? Est-ce un manque d’information, du déni ou comme le démontre l’étude de Parlons Climat, une forme de rejet face à la menace qui pèse sur nos modes de vie ? Est-ce que le climatoscepticisme ne serait pas également pas un moment temporaire, une phase comme celle du deuil par exemple ? En fait, on est d’abord dans le déni, puis la colère et on finit ensuite par l’acceptation. Et l’acceptation signerait donc la fin de cet état climatosceptique.

Anaïs Rocci

En fait, il y a effectivement une forme de déni. Aujourd’hui quand même, une très large majorité des Français sont convaincus du fait que le changement climatique est causé par les activités humaines. Il ne faut pas l’oublier ! Mais effectivement aujourd’hui, les phénomènes prennent une telle ampleur, qu’il y a comme une forme de sidération qui fait qu’aujourd’hui on aurait peut-être une impression, une représentation que la nature est devenue folle et que finalement, on ne peut pas y faire grand-chose, et du coup, on en oublie les causes du dérèglement climatique. On voit cette année dans le baromètre qu’il y a une petite montée de l’optimisme vis-à-vis du fait qu’on s’adaptera et qu’on arrivera à limiter ce réchauffement climatique à des niveaux raisonnables d’ici la fin du siècle. On voit que – même si la majorité de la population est très pessimiste – il y a une petite remontée de l’optimisme qui n’est pas aussi élevée que lors des Accord de Paris en 2015, mais qui remonte un petit peu. Donc, peut-être que ça pourrait être une hypothèse : se dire que finalement, on commence à prendre la mesure du problème, qu’on va pouvoir petit à petit s’adapter ou trouver des solutions à terme.

Charlotte Simoni

Autre point d’interrogation : est-ce que le climatoscepticisme ne proviendrait pas d’un manque de confiance envers la communauté scientifique ? Je veux dire, le fait que le réchauffement climatique soit dû aux activités humaines est un fait scientifique largement avéré et acté au vu des catastrophes naturelles, ou plutôt, comme l’a formulé très justement la journaliste Claire Nouvian, des catastrophes anthropiques qui se sont succédées ces derniers mois.

Pour autant, le doute subsiste. Alors, est-ce que les climatosceptiques sont méfiants vis-à-vis des scientifiques et si oui, pourquoi ? Le climatoscepticisme n’est-il pas également une forme de réaction face à un discours trop alarmiste ? N’est-il pas un enjeu au niveau des actions à mettre en place et des solutions à proposer ?

Anaïs Rocci

Globalement, les gens font confiance aux scientifiques. Depuis l’origine du baromètre aux débuts des années 2000, on a environ deux tiers des personnes interrogées qui considèrent que la théorie selon laquelle l’augmentation de l’effet de serre entraînerait un réchauffement ne bouge pas. On a même confiance dans les scientifiques pour évaluer les risques correctement. Les risques ne bougent pas vraiment au fil des ans non plus. On a 71% des Français qui considèrent que les scientifiques évaluent correctement les risques du changement climatique. C’est donc assez stable.

Mais là encore, il y a ce positionnement politique qui induit des différences d’opinion considérable, puisqu’on a 91% chez les répondants très à gauche qui estiment que les risques sont correctement évalués contre 57% très à droite. Donc, c’est encore quelque chose qui qui est très idéologique. Mais bon globalement, les gens font confiance aux scientifiques et ça n’évolue pas trop. Alors, ça peut aussi questionner, parce qu’on peut se dire : avec tous les rapports du GIEC qui montrent quand même qu’il y a un vrai consensus scientifique sur la question, on peut se demander pourquoi ça n’évolue pas plus. Mais en tout cas, il n’y a pas vraiment de défiance des scientifiques. Ça reste stable.

Effectivement, on peut se dire que vu l’ampleur des désordres climatiques, il y a une forme de sidération qui fait qu’on a l’impression que ça nous dépasse et que tout devient incontrôlable, la nature devient incontrôlable…  On en oublie les causes. Il y a aussi quand même – il faut le rappeler – cette médiatisation qui montre énormément de catastrophes naturelles et qui insiste largement sur ses conséquences. Ces images d’inondation, de sécheresse ou d’incendie parlent assez peu finalement des causes et des solutions. Et donc cette médiatisation des catastrophes vient aussi renforcer cette sidération, en tout cas cette représentation que la nature s’emballe quoi.

Mais je le répète encore, c’est quelque chose de très polarisé politiquement et donc je pense que ce fait ne doit pas être nié. C’est vrai que les scientifiques ont aussi un discours très alarmiste et ça a été leur rôle de d’alerter sur ce dérèglement depuis des années, mais aujourd’hui les gens ont besoin de messages positifs, de perspective, d’enthousiasme, de solutions. Il y a donc un enjeu à pouvoir proposer des informations et des sources au-delà de ce que peuvent dire les scientifiques. Il faut des perspectives plus positives et surtout des actions à mettre en place, des solutions qui marchent et qui donnent de l’espoir.

Charlotte Simoni

Au fil de ma conversation avec Anaïs Rocci, un point est ressorti très franchement : le rejet de plus en plus marqué des Français pour les questions environnementales, et notamment des mouvements écologistes. Pour Anaïs Rocci, ce sujet s’explique en partie par la politisation du sujet climatique qui crée des clivages et éclipse les points de consensus, qui permettraient pourtant de valoriser les intérêts de chacun.

Anaïs Rocci

On rejette ce sujet-là parce que la prise de parole est très politisée. La parole est très militante. Elle a toujours été très militante sur le sujet écologique, et donc forcément, ça crée des clivages politiques. Alors qu’en fait ce qui est intéressant, c’est d’arriver à dépolitiser un peu ce sujet-là et de pouvoir mettre en avant les points consensus afin de montrer les intérêts que chacun peut trouver, indépendamment des bords politique. Et pour cause : il y a des sujets comme la santé, les gains économiques, l’innovation, l’emploi, sur lesquelles tout le monde pourrait se retrouver et qui pourrait faire consensus et être à la fois bénéfique pour l’environnement, mais aussi pour la souveraineté du pays, la santé personnelle, l’innovation et l’emploi pour les entreprises. Et, en fait, on a un sujet tellement politisé, sacré, qui fait que ces clivages n’ont vraiment de sens, alors qu’il y aurait plein de choses qui pourraient rassembler, indépendamment des bords politiques.

Charlotte Simoni

Pour rebondir sur les derniers propos d’Anaïs Rocci, je me suis demandée si ce rejet n’était pas aussi due à un trop-plein médiatique. On entend de plus en plus parler du sujet climatique, mais qu’en est-il réellement ? Que disent les chiffres et qu’en pensent les Français ? Et surtout, comment perçoivent-ils cette couverture : de manière positive ou négative ? Anaïs Rocci m’en dit plus.

Anaïs Rocci

On a aujourd’hui 45% des Français qui considèrent qu’on parle suffisamment du changement climatique. Et pour les autres, on a un tiers qui trouve qu’on n’en parle pas assez, notamment les jeunes. Par contre, le pourcentage de personnes qui estiment qu’on en parle trop augmente : il atteint aujourd’hui 26%. Donc ça reste minoritaire, mais comparer aux chiffres de 2011 où on était 16%, c’est plus 10 points quand même. Je pense qu’il y a une possible saturation du public devant l’avalanche de ces images de catastrophes naturelles dans les médias de grande diffusion. En fait, il y a le sentiment qu’on en parle trop ou suffisamment qui est à son maximum parmi les personnes âgées de plus de 65 ans, et parmi ceux qui sont plus à droite. On voit aussi dans une autre enquête, notamment sur les 15-25 ans où il y a eu plusieurs méthodologies quantitatives et qualitatives, que les jeunes sont vraiment en attente d’informations, d’être mieux informés. C’est le cas de 8 jeunes 10. Il y a aussi 57% qui ne savent pas où trouver des informations fiables sur ces sujets. À ce propos, les jeunes vont – au-delà des médias traditionnels – beaucoup s’informer sur les réseaux sociaux. Cela étant dit, ils ont conscience que s’informer via les contenus des réseaux sociaux, des influenceurs et des streamers, n’est pas très fiables.

Donc, par exemple, les contenus des influenceurs sont consultés par 77% des jeunes, mais ils ne sont que 19% à accorder leur confiance dans ce type de contenu. Les streamers qui analysent l’actualité sont aussi beaucoup regardés par les jeunes et ils aspirent à un niveau de confiance un peu plus haut (40%). Mais les jeunes ont conscience que les contenus qu’ils regardent ne sont pas forcément très fiables. Ils ont besoin d’informations fiables. Et justement, ils se tournent plutôt vers ce type de contenu plutôt que les médias traditionnels parce qu’ils ont l’impression d’y trouver beaucoup plus de messages positifs, des solutions et des messages moins anxiogènes que dans les médias traditionnels.

Charlotte Simoni

En fait, quand on y regarde de plus près, les Français sont quand 70% à être convaincus du caractère anthropique du réchauffement climatique. Les climatosceptiques sont finalement plutôt minoritaires et même très largement en baisse depuis vingt ans. Alors pourquoi ce récent pic de climatosceptiques fait-il autant parler de lui ? Est-ce dû à une démobilisation générale ? Et – toujours pour en revenir à la question médiatique – les médias ne sont-ils pas en train de rendre le climat encore plus anxiogène qu’il ne l’est déjà ? Réponse avec Anaïs Rocci.

Anaïs Rocci

C’est un vrai problème. Comme je disais tout à l’heure, nous, ce n’est pas ce qu’on voulait mettre en avant dans l’étude et dans le communiqué de presse. On a quelques lignes là-dessus à la fin, mais ce n’est pas ce n’est pas qu’on voulait mettre en avant. Et effectivement, on voit que tous les médias ne parlent que de ça, ils ne mettent en avant que ça. Et effectivement, ça peut être un vrai problème, parce que ça fait prendre de l’ampleur sur ce sujet-là, alors qu’en fait, ça reste une large minorité de la population. On a quand même les deux tiers des Français qui sont convaincus du caractère anthropique du changement climatique, et ça il faut le rappeler. Et historiquement, on a aussi des évolutions qui sont très nettes sur ce sujet-là. Par exemple, en 2001, on avait 32% seulement qui estimaient que des heures du climat sont causées par l’effet de serre. Historiquement, on a quand même une large prise de conscience de la réalité du changement climatique et de ses causes. Par ailleurs, en 2001, on avait 49% qui ne savaient pas se prononcer sur les vraies causes des désordres climatiques. Aujourd’hui, ils sont seulement 15%.

Donc, en fait, ces chiffres-là, on ne les met pas forcément trop en avant. Troisième élément : jusqu’en 2014, on avait autour de 15% qui considéraient que c’était un phénomène naturel. Ça a très légèrement monté autour de 25% jusqu’en 2023, mais voilà, en vingt ans, on était à 15-20% maximum. Là il y a un petit pic, qui justement suscite quand même cette inquiétude. En tout cas, il faut qu’on observe ce qui va se passer. Donc plus 2 points par rapport à l’année dernière, on arrive à 29% et donc, finalement, quand on regarde sur tout l’historique, ça double. D’un coup on passe de 15% en 2000 à 29%. Dont forcément, ça porte attention.

Mais voilà, il ne faut pas oublier que c’est un phénomène très récent et qu’il faut observer ce qui va se passer dans le temps. C’était juste quelque chose de très ponctuel. Mais peut-être que ça va s’essouffler dans les prochaines années, peut-être que ça va prendre de l’ampleur. On ne sait pas trop. Mais c’est important de rappeler qu’en fait, les Français, globalement, ne sont pas climatosceptiques et il ne faut pas l’oublier. Et du coup ça me fait penser que je n’ai pas répondu à votre question tout à l’heure. Mais ce qui est intéressant c’est le rapport aux écogestes.

Cette année, il y a effectivement une forme de démobilisation individuelle. Les Français ont clairement conscience qu’il faudra modifier nos modes de vie. Ils sont prêts à accepter des changements importants. Donc, personne ne nie le fait qu’il va falloir changer des choses. Ils ne sont que 9% à dire qu’il n’y a rien à faire, qu’on ne pourra rien faire et que ça ne sert à rien. Tout le monde a conscience qu’il faut changer nos modes de vie et qu’il faut agir pour changement climatique. Mais voilà, ils sont prêts à accepter si les changements importants, si les efforts sont partagés de façon juste entre tous les membres de la société. Donc, il y a vraiment des conditions d’équité et de justice sociale dans l’effort qui sont hyper importants pour faire en sorte qu’il y ait une mobilisation collective. Et aujourd’hui, les Français ont l’impression de faire leur part de l’effort. On le voit via les actions qu’on peut mettre en œuvre à l’échelle individuelle, qu’il y a eu beaucoup de choses qui ont évolué ces dernières années, que ce soit la baisse de la consommation de viande, le fait de moins prendre l’avion. Donc, il y a beaucoup de choses qui ont fortement évolué dans le temps et aujourd’hui, on a beaucoup porté sur la responsabilité individuelle les changements de mode de vie et les solutions pour résoudre le changement climatique. Il y a aussi une forme d’essoufflement sur ce que les gens sont prêts à faire. Une sorte de ras-le-bol finalement vis-à-vis des injonctions aux écogestes.

En fait, les gens se rendent compte aussi – du fait de l’ampleur du phénomène qu’ils vivent aujourd’hui – que maintenant, ce n’est plus quelque chose de lointain qui va concerner les générations futures, des pays lointains, des choses beaucoup plus tangibles. Donc, ils se rendent compte qu’en fait, ce qu’on leur demande, ces petits gestes ne suffisent pas par rapport à l’ampleur de l’enjeu. Donc il y a vraiment ce sentiment que les Français veulent déléguer davantage les actions à la puissance publique, qui est beaucoup plus forte et structurante à la hauteur des enjeux. C’est une des raisons qui pourrait expliquer aussi cette forme de démobilisation qu’on observe cette année. Et, dans le même temps, on observe qu’il y a une hausse en fait de l’adhésion à des mesures coercitives, qu’elles soient réglementaires ou fiscales. Et donc, on voit qu’il y a une vraie attente de la part de la population à ce que les pouvoirs publics, les entreprises mettent en place des mesures beaucoup plus fortes pour amener les gens à changer leur mode de vie. En tout cas, faciliter les choses pour faire évoluer l’ensemble de la société, pour que les gens puissent faire évoluer leur mode de vie.

Charlotte Simoni

Pour finir, j’ai demandé à Anaïs Rocci quelles étaient les solutions ou moyens d’agir à mettre en place pour convaincre les climatosceptiques du caractère anthropique du réchauffement climatique. Faut-il repenser notre manière de communiquer sur ce sujet via des discours plus positif par exemple ? Doit-on renforcer les efforts de sensibilisation ? En entreprise ou à l’école, par exemple ? Et puis, à qui incombe cette responsabilité ? Les pouvoirs publics ne sont-ils finalement pas les seuls capables de faire avancer les choses ? Quel est l’enjeu principal : convaincre ou agir ?

Anaïs Rocci

Je pense qu’aujourd’hui, l’enjeu n’est pas de convaincre. La plupart des Français sont convaincus. L’enjeu, c’est plus de donner les moyens d’agir avec des mesures politiques ambitieuses à la hauteur des enjeux et qui permettent de faire évoluer les modes de vie.

C’est de pouvoir dépolariser ce sujet-là en montrant justement les points de consensus. Ce qui peut permettre de rassembler la population autour d’un projet de société, autour d’un récit. On peut parler de récit, mais c’est plus l’idée d’avoir un projet derrière qui puisse embarquer toute la société, que ce soient les citoyens, mais aussi les entreprises, les collectivités, tout le monde en fait. Et que chacun prenne sa part à la hauteur de ses capacités et de ses compétences.

Je pense qu’effectivement, il y a un enjeu du côté des médias pour essayer de faire passer des messages moins anxiogènes, moins déprimants, plus tournés vers les perspectives positives et les solutions apportées. En clair, montrer que chacun agit et qu’on n’est pas tout seul. Il ne faut pas donner le sentiment qu’on est tout seul à le faire. Donc, il y a cet enjeu d’équité, de justice, qui est fondamental pour arriver à embarquer toute la population. Et puis, l’école peut avoir aussi un rôle à jouer pour sensibiliser les jeunes, mais aussi pour transmettre des informations et des actions concrètes pour agir. On voit dans une autre enquête sur les jeunes qu’ils sont 80% à considérer que l’école a un rôle à jouer. Mais seulement 51% estiment qu’ils apprennent ou ont appris suffisamment de choses sur l’environnement à l’école. Donc, il y a encore des choses à faire pour faire évoluer tout ça, mais je pense que cet enjeu d’équité est fort. Il faut arriver à montrer qu’en fait, la puissance publique et les entreprises mettent en place des choses et des actions concrètes qui vont dans le bon sens pour pouvoir ensuite embarquer toute la population derrière.