L'impact du réchauffement climatique sur les femmes
Épisode 04 - Aminata Niakaté, Membre du Conseil Économique et Social et de la CNIL, porte-parole Les Écologistes - EELV Paris et Présidente de la Commission Parité à l'UNAPL
Dans ce nouvel épisode, je reçois Aminata NIAKATE, avocate, membre du Conseil économique social et environnemental et de la CNIL, porte-parole Les Écologistes – EELV Paris et Présidente de la Commission Parité à l’UNAPL.
Ensemble, nous avons parlé de l’impact du réchauffement climatique sur les femmes.
Première information marquante : dans un monde où 70% des plus pauvres sont des femmes, celles-ci voient leurs inégalités socio-économiques et leur précarisation s’aggraver avec le réchauffement climatique.
« Les femmes sont les premières à mourir, à quitter le domicile et à perdre leurs revenus, ce qui les conduit à subir tous types de violences, à se confronter à la prostitution ou à être mariées de force », explique Amianata Niakaté.
En France, parmi les ménages les plus pauvres figurent les familles monoparentales dont 80 % ont pour chef de famille une femme. Ces ménages sont souvent les plus sujets à la précarité énergétique et ayant le plus de difficultés à se soustraire aux phénomènes climatiques extrêmes.
Leur santé est aussi fortement impactée avec la multiplication des fausses couches et des accouchements précoces.
En cause ? La sous-représentation des femmes en politique et dans les instances dirigeantes des entreprises.
« En France, seulement 20% des maires sont des femmes, alors que les solutions se jouent souvent à l’échelle locale. D’ailleurs, les chiffres montrent que lorsqu’il y a une grande proportion de femmes dans les conseils d’administration, l’entreprise est plus vertueuse ».
Parmi les préconisations envisagées par Aminata Niakaté pour rendre les femmes moins vulnérables au réchauffement climatique dans son rapport remis au CESE :
- Mieux connaître l’impact différencié du dérèglement climatique.
- Permettre aux femmes d’être des actrices centrales des débats.
- Ou encore former les expert(e)s en bilan carbone aux questions de genre.
Autres sujets évoquées : l’écoféminisme, le congés maternité et l’aménagement des horaires de réunions.
D’ailleurs, en clin d’œil à la dernière campagne de la sécurité routière, une phrase me vient en tête suite à cet échange : dirigez comme une femme !
Belle écoute !
CHIFFRES CLÉS
14
Les femmes ont 14 fois plus de chance de mourrir que les hommes lors de catastrophes climatiques
80%
des personnes déplacées par les effets du changement climatique sont des femmes et des filles
70%
c'est le pourcentage de femmes sur les 1,3 milliards de personnes vivant sous le seuil de pauvreté
SOLUTIONS
Pour tous :
- Soutenir l’initiative « ClimateHeroines » de CARE, qui œuvre à l’autonomisation des femmes grâce à une formation aux techniques agricoles durables, ainsi qu’à la fourniture de ressources qui garantissent leurs moyens de subsistance et la sécurité alimentaire de communautés entières.
- Participer à une fresque du sexime pour détricoter la mécanique sexiste et promouvoir une société égalitaire. Parmi les thèmes abordés : les comportements genrés, les répartitions des rôles et des pouvoirs dans une société patriarcale, les injonctions ou encore…. Les enjeux climatiques bien évidemment !
Pour les lecteurs :
« Comment les femmes peuvent sauver la planète » (Anne Karpf – Éditions Hurst), un livre qui aborde l’importance de la mise en place de politiques climatiques visionnaires et mondiales, en incluant le genre et en favorisant l’égalité des sexes. Un best-seller à lire de toute urgence !
Pour se former :
Le cours en ligne « Développer le Leadership Féminin pour l’Action Climatique », proposé par l’ONU, avec le soutien de la Fondation l’Oréal Paris (durée : 9h00). En toute transparence, je ne l’ai pas encore suivi (je suis inscrite cependant !), mais j’ai trouvé le programme tellement intéressant que je me suis dit que ça pourrait certainement vous inspirer aussi !
RESSOURCES
- L’égalité homme/femme dans les négociations internationales sur le climat (IRIS France – Janvier 2025)
- Pourquoi les femmes sont essentielles à l’action climatique (ONU)
- Les femmes dans la science, pas dans le silence : conduire le changement dans la crise climatique mondiale (UNESCO – Février 2024)
- Les femmes… dans le contexte des changements climatiques (Nations Unies)
- Intégration de la dimension de genre dans l’élaboration des politiques (OCDE)
- Participation des femmes à la Convention des Nations Unies sur les changements (Women’s Environnement & Development organization – 2023)
- Inégalités entre les sexes et changements climatiques : des enjeux étroitement liés (ONU Femmes – 2022)
- Inégalités de genre, crise climatique et transition écologique (Conseil Économique Social et Environnemental – Mars 2023)
- La Banque Mondiale et les questions de genre (Banque Mondiale – Septembre 2023)
- Report on the impacts of climate change on vulnerable populations in developing countries (Parlement Européen – Avril 2021)
- Combating climate change: The role of female managers in the workplace (CEPR – 2022)
- The Effect of Women’s Leadership on Carbon Disclosure by the Top 100 Global Energy Leaders (MDPI – 2023)
The power of inclusion: Does leadership gender diversity promote corporate and green innovation? (ScienceDirect – 2023)
TRANSCRIPTION DE L'ÉPISODE
Cliquez ici pour lire transcription complète !
Charlotte Simoni
Bonjour Aminata Niakate ! Merci beaucoup d’être sur le podcast aujourd’hui pour parler réchauffement climatique et surtout des femmes puisque c’est le sujet du jour. Avant toute chose, avant de parler de l’impact du réchauffement climatique sur les femmes, est ce que tu peux te présenter, nous dire qui tu es, quel est ton parcours et puis comment tu en es arrivée à t’intéresser à cette question.
Aminata Niakaté
Alors, j’ai grandi en banlieue parisienne, je suis née à Paris, mais j’ai grandi en banlieue parisienne où j’ai passé l’essentiel de mon existence dans des quartiers populaires. Et puis j’ai fait des études de droit, je suis devenue avocate et quand j’ai terminé mes études, j’ai bénéficié de bourses. Et j’ai toujours ressentis le besoin de m’engager et de restituer à la société ce qu’elle m’avait donné et donc j’ai adhéré à plusieurs organisations : aux écologistes, dans l’association Ensemble contre la peine de mort ou encore à l’Union des jeunes avocats pour rencontrer d’autres confrères, parce que je faisais plutôt du droit des affaires et de la fiscalité. Je ne sortais jamais du bureau, je ne fréquentais pas autres confrères, et donc je m’intéresse à l’écologie. J’ai toujours été sensible aux questions d’égalité.
Je viens aussi d’un territoire qui est le Mali et qui connaît de fortes chaleurs. La semaine dernière, il y avait des pics à 50 degrés. Il y a des gros épisodes de chaleur très durs, rendant l’agriculture difficile. Les femmes ont beaucoup la responsabilité de l’agriculture. Elles doivent aussi aller chercher de l’eau. Les hommes aussi ont cette sensibilité, mais elle pèse énormément sur les femmes dans ces pays-là. Et donc le seul parti qui avait des réponses sur ces sujets-là, c’était le parti écologiste. Bref, je décide donc de m’engager. Parallèlement, je deviens avocate pour gagner ma vie. Je fais notamment du droit pénal et du droit des étrangers. Maintenant, je ne fais plus qu’un tout petit peu de droit pénal en commission d’office.
Et puis j’ai aussi un parcours syndical qui accompagne mon activité d’avocate et qui m’a conduit à rejoindre les jeunes avocats qui m’ont tout de suite ouvert les bras et avec qui j’ai grandi, qui m’ont formé, même politiquement. Les jeunes avocats, c’est un peu la CGT des avocats collaborateurs qui les défendent quand ils rencontrent des difficultés avec leur patron car ils ont un statut assez bizarre. Ils ont les inconvénients du salariat, c’est à dire qu’ils ont un patron, des horaires… Et les inconvénients de l’entreprise libérale, c’est à dire que c’est à eux de payer l’URSSAF. Donc quand on reçoit une rétrocession d’honoraires, en fait on la divise par deux. Et il y a beaucoup de paupérisation, de précarité dans un environnement où les patrons ne sont pas hyper formés. Et ce parcours-là chez les jeunes avocats me conduit à présider les jeunes avocats de Paris, notamment au niveau national, puis à rejoindre le Conseil national des Barreaux où j’ai toujours été sensible aux questions d’égalité.
J’ai animé la commission parité égalité du Conseil national des barreaux. On a apporté pleins de choses sur les discriminations, les inégalités de genre et le handicap. Et puis j’ai continué sur cette lancée sur les questions d’inégalités femmes-hommes. J’ai rejoint l’Union nationale des professions libérales dont est membre la Fédération nationale des jeunes avocats et ils m’ont confié naturellement la commission parité égalité, où je continue toujours mes activités. Et puis il y a deux ans, ils m’ont proposé de rejoindre le CESE où je siège à la commission Environnement et à la Commission à la délégation aux droits des femmes. Voilà, ces questions écologiques et d’égalité femmes hommes m’ont toujours marquée. Et puis mon parcours fait que je me suis aussi intéressée à l’écoféminisme aussi. On a produit un travail avec Antoine Gatti – qui est devenu président de France Nature Environnement – avec une approche vraiment scientifique pour démontrer que les femmes sont surexposées aux conséquences du dérèglement climatique ou aux désordres environnementaux par rapport aux hommes, alors même qu’elles sont les plus impactées et qu’elles sont les moins associées à la prise de décision.
Charlotte Simoni
Voilà, justement, j’aimerais rebondir sur ce que tu expliquais. Tu disais que – par exemple – en Afrique, les femmes ont pour habitude d’effectuer certaines tâches domestiques. Par exemple : aller chercher de l’eau. Et justement, avec le réchauffement climatique, il y a plus de sécheresse. Donc j’imagine qu’elles doivent aller plus loin pour chercher de l’eau. Donc, elles sont plus vulnérables à la chaleur.
Aminata Niakaté
Les trajets sont plus longs, donc elles sont confrontées à des violences sexuelles sur leurs trajets, et la situation devient plus dangereuse. Quand il y a des catastrophes naturelles, malheureusement, c’est souvent dans les pays du Sud. Les moins responsables des émissions de carbone sont les premiers à trinquer. Et donc il y a beaucoup de déplacés environnementaux, beaucoup de migrations. Et les femmes sont les premières à se déplacer. Alors, d’abord, elles restent sur place parce qu’elles s’occupent des aînés, elles s’occupent des enfants, tandis que monsieur va sans doute chercher de l’aide. Elles ne sont pas non plus associées à l’élaboration des plans d’évacuation. Elles ne sont pas toujours scolarisées, elles n’ont donc pas nécessairement de connaissances sur les conséquences du réchauffement climatique et sont donc souvent les premières à mourir.
Dans un second temps, leur lieu de vie devient invivable. Il faut donc qu’elles rejoignent parfois une autre région où elles ont de la famille, etc. Et elles partent – plus majoritairement que les hommes d’ailleurs – et sont confrontées dans leur chemin à tous types de violences. Elles perdent aussi leurs revenus et doivent trouver une autre source de revenus. Ces situations ont conduit à des mariages précoces forcés. La plupart du temps, ça conduit aussi à des situations de prostitution. Et puis quand on arrive dans des zones comme des camps de réfugiés, ce sont aussi des lieux où la sécurité n’est pas tout à fait assurée et c’est la raison pour laquelle on a une préconisation là-dessus sur le fait d’assurer la sécurité des femmes dans ces moments de déplacement.
Charlotte Simoni
Je te coupe deux minutes j’ai une question : elles se déplacent donc à cause de ce réchauffement climatique, notamment car il commence à faire de plus en plus chaud ?
Aminata Niakaté
Je pense que oui. Clairement, je pense que mes parents, sans s’en rendre compte, sans en avoir conscience, sont des migrants climatiques. Et d’ailleurs la Banque mondiale dit que si on continue au même niveau d’engagement sur l’inaction climatique, il faut s’attendre à horizon 2050 à 216 millions de déplacés environnementaux, de migrants, environnementaux. C’est énorme dans un contexte politique pas tout à fait ouvert à cela. Mais il y a plusieurs pays et territoires nationaux qui seront tout simplement invivables parce qu’il y aura la montée des eaux, des terres de plus en plus rares, un manque de ressources, ce qui engendrera des conflits et donc déplacements…
Charlotte Simoni
Ah oui, d’accord. Et ça, tu commences déjà à l’observer ?
Aminata Niakaté
On en entend parler. En tout cas, c’est reconnu, c’est documenté de manière très clair dans le GIEC. On aimerait que le GIEC s’y intéresse plus. Mais comme je te le disais tout à l’heure, mes parents sont partis chercher fortune parce que c’est un village où on vit de notre production agricole. En fait, on ne vend pas, on cultive du maïs, des petits légumes, des petites épices, on a quelques chèvres, quelques poules. Et ma famille vit de sa propre production. Les années où il y a de trop fortes sécheresses, la récolte n’est pas assez productive. Et je crois que la FAO – je n’ai pas l’anagramme complet – qui s’intéresse à l’Organisation mondiale sur l’alimentation raconte très clairement que le travail de l’agriculture va être de plus en plus pénible, de plus en plus dur. Et que les femmes – qui en sont responsables à 70 % – subiront une pénibilité très forte du travail. Elles font aussi de la cueillette, notamment pour des grands groupes, des grandes entreprises comme dans la parfumerie par exemple, la cueillette de fleurs. On a essayé d’impliquer ces groupes que je ne vais pas citer, mais qui exploitent aussi cette force de travail dans un contexte où elles ne sont pas forcément bien rémunérées et où leur travail va devenir de plus en plus difficile.
Les femmes sont aussi plus sensibles aux épisodes de chaleur. Quand il y a eu la canicule de 2003, par exemple, plus près de nous, en France, la surmortalité avait été de 70 % pour les femmes et de 40 % pour les hommes. C’est une grosse différence. Je parle bien de la surmortalité. Il y a plus de femmes que d’hommes, donc c’est normal qu’il y en ait plus qui meurent. Mais il y a une surmortalité plus importante pour les femmes qui sont plus vulnérables aux épisodes de chaleur, ce qui provoquent aussi des problèmes pour la santé sexuelle et reproductive. On a observé qu’il y avait une accélération des fausses couches, des morts précoces, donc vraiment une vraie vulnérabilité des femmes face aux épisodes de chaleur extrême.
Charlotte Simoni
Et comment expliques-tu le fait qu’il n’y ait pas plus de mesures qui soient mises en place pour protéger les femmes ? Est-ce que c’est parce qu’il y a une sous-représentation des femmes politiques et qui fait que – de facto – on traite moins ce problème ? Comment tu expliques la sous-représentation des femmes en politique d’ailleurs ?
Aminata Niakaté
Comme je le disais au début, les femmes sont très peu associées à l’élaboration des solutions. Rien qu’en France on a 20 % de maires femmes. Donc voilà, ça dit quelque chose. Et les solutions, elles sont souvent au niveau local. Et puis voilà, sur les négociations à l’international, les négociations du GIEC, la Cop26, il y avait seulement 35 % de femmes dans les délégations officielles. Durant l’année du Covid, il y a eu des réunions préparatoires à la COP et elles étaient en distanciel à cause du Covid et elles n’étaient pas décisionnaires puisque c’étaient des réunions préparatoires. Double peine. Et alors on a observé qu’il y avait, pour le coup, la parité, mais qu’on n’avait pas de droit de vote. Et puis il y avait aussi le fait que le distanciel, c’est une souplesse qui facilite la participation des femmes qui sont cantonnées à la maison, aux obligations familiales et domestiques. Mais alors même qu’il y avait la parité, la proportion de prises de parole des hommes était autour de 70 %. Donc c’était l’immense majorité des orateurs inscrits. Et ils monopolisaient la parole encore plus longtemps. Et il y a plein d’articles là-dessus, c’est assez amusant à observer. Et donc on a tout un volet du rapport où on évoque la démocratie environnementale quand il y a une concertation publique. Amusez-vous à observer à la prochaine réunion publique à laquelle vous allez. Les hommes prennent beaucoup plus souvent la parole, parlent plus longtemps et la parole des femmes est plus invisible, elle est plus marginale. Elles sont beaucoup interrompues.
Je suis aussi la porte-parole d’un parti politique et je suis beaucoup plus coupée que mes homologues masculins. Donc il y a vraiment des outils à mettre en place pour prendre en compte la parole des femmes. Les réunions en non-mixité ne peuvent pas être la seule solution. Il faut d’autres mesures que s’assurer que le point de vue des femmes, les besoins des femmes soient pris en compte. La démocratie environnementale est un est un enjeu fort.
Charlotte Simoni
Mais d’où ça vient le fait qu’on invisibilise autant la parole des femmes ?
Aminata Niakaté
Les stéréotypes de genre sont très présents dans notre travail. On a observé que dans les métiers des secteurs d’activités les plus émetteurs de CO2 comme le transport, la construction, ou encore l’énergie, il y a une surreprésentation écrasante des hommes, tandis que dans les métiers de la santé, c’est 90 % de femmes. Donc c’est vraiment l’exact miroir. Et c’est intéressant de noter que les secteurs d’activité les plus émetteurs sont sur une surreprésentation masculine, tandis que les métiers les plus vertueux sont une domination, on va dire, en termes de représentation des femmes qui ont tendance à avoir des pratiques plus vertueuses, plus sobres, pas seulement parce qu’elles aiment manger des fruits et légumes. Elles ont aussi conscience des impacts du dérèglement climatique. Elles sont plus écoanxieuses. Il y a une étude de l’Institut de la Fondation Jean-Jaurès qui montre que les éco-anxieux sont des femmes à hauteur de 65 %. Donc, il y a une plus grande responsabilité, une plus grande conscience des conséquences du dérèglement climatique, de la perte de biodiversité.
Charlotte Simoni
C’est fou, moi je le vois même dans mon couple. Effectivement, je me pose beaucoup plus de questions sur ça que mon mari. La charge mentale est accrue.
Aminata Niakataé
Il y a un vrai enjeu d’éducation dès l’école, dès le plus jeune âge pour déconstruire les stéréotypes, pour remettre du sens dans les métiers qu’on fait, pour revaloriser les métiers de la cohésion sociale, les métiers du soin qui sont les métiers du care, dont on laisse la responsabilité aux femmes et qu’on ne rémunère pas à leur juste hauteur. On a beaucoup parlé des métiers essentiels pendant le covid, mais la réalité est tout autre.
Charlotte Simoni
Tu parlais de l’impact du réchauffement climatique sur les femmes. Je lisais d’ailleurs dans le rapport, je crois que vous citez un chiffre sur la pauvreté : elle touche 70 % des femmes dans le monde. Je me demandais : est-ce que le réchauffement climatique a un impact aussi important sur les femmes dans les pays riches que sur les femmes dans les pays pauvres ou c’est différent ?
Aminata Niakataé
Alors ça se manifeste de manière plus importante pour les femmes, que ce soit en Europe, dans les pays de l’OCDE ou dans les pays du Sud de l’Afrique et de l’Asie, etc. Mais c’est quand même plus exacerbé dans les pays du Sud, parce qu’en France on ne peut pas dire que les femmes aient la charge de l’agriculture. Donc, ce sont vraiment les pays du Sud où c’est très flagrant. Mais plus près de nous, ça touche les plus pauvres qui sont les moins résilients face aux dérèglements climatiques. Et ça c’est un vrai sujet d’ailleurs : 70 % des plus pauvres sont effectivement, comme tu le disais, des femmes. Donc ne serait-ce que mathématiquement, les femmes sont plus impactées. En France par exemple, les femmes sont beaucoup sujettes à la précarité énergétique des bâtiments. Elles sont nombreuses à vivre dans des logements sociaux. Et 80 % de ces familles ont pour chef de famille une femme, avec un seul avec enfant. C’est souvent sur les femmes que ça pèse, donc on n’a pas l’aide du conjoint et on se retrouve seul à assurer les trois, huit enfants, le boulot, les enfants etc.
Elles sont aussi dans des conditions de précarité énergétique. Ce sont souvent les plus pauvres qui vivent à côté des axes routiers. Comme je le disais, à côté du périphérique Byzance, il y a des nuisances sonores, de la pollution, du CO2. Donc, on a des enfants asthmatiques… Et c’est tout cela qui fait que les femmes sont plus sensibles en fait, et qui créent des mobilisations de femmes sur ces sujets-là. Des femmes qui n’ont pas forcément conscience qu’elles se battent sur des questions d’égalité de genre et en même temps des questions environnementales ou climatiques.
Charlotte Simoni
Tu veux dire que c’est inconscient ?
Aminata Niakaté
Il y a vraiment des liens entre activités humaines, exploitation de la nature, exploitation de certaines populations plus fragiles et particulièrement l’exploitation des femmes. Ce sont les mêmes mécanismes qui sont à l’œuvre et qui nuisent à l’environnement, au climat et aux droits des femmes. Et c’est vraiment une réflexion que je me suis faite. On a exploré la question de l’écoféminisme avec Antoine pendant nos 15 mois de travaux. On a auditionné des chercheurs d’un point de vue historique, culturel et aussi politique, parce que récemment, on a quelques personnalités qui se sont intéressées à la question de l’écoféminisme. Donc on a regardé – par exemple – le mouvement Chipko en Inde. En Inde, à force que des arbres soient arrachés sur certains territoires, il y avait des glissements de terrains lors des épisodes de fortes pluies et de mousson, qui mettaient en danger les enfants et les femmes. Donc des femmes indiennes ont créé un mouvement où elles embrassaient les arbres pour empêcher qu’on les arrache. Et donc, on est totalement sur des questions de genre. Les glissements de terrain, ce sont des catastrophes naturelles dues à l’activité humaine et dont les premiers à payer un lourd tribut sont les femmes et les enfants.
Il y a également eu des mouvements aux États-Unis de noires américaines qui étaient dans une pauvreté extrême car installées près d’usines qui émettaient des gaz toxiques, des écoulements de produits chimiques sur le territoire, sur des petits fleuves, des petites rivières arpentées par les enfants qui – par conséquent – tombaient malades… Et les femmes se sont mobilisées contre ces usines pour essayer de les faire fermer. Donc, tu le vois, les enfants et les femmes sont très vulnérables ! Pour te donner un chiffre : lorsqu’il y a eu les inondations liées au typhon sur les îles Salomon en 2014, 96 % des victimes étaient des femmes et des enfants. Et comme je te le disais – encore une fois – double peine car souvent elles ne sont pas au courant des plans d’évacuation, elles ne vont pas forcément à l’école, elles n’apprennent pas nécessairement à nager et donc tout ça fait qu’elles ne disposent pas de l’outil de mobilité de la voiture pour pouvoir fuir. Elles ont tendance à rester pour s’occuper des aînés, des enfants…
Charlotte Simoni
Moi ma question c’est qu’on constate tout ça. Mais nous, on n’est pas dans ces pays-là. Donc comment qu’est-ce qu’on peut faire ? Je veux dire, qu’est ce qui est mis en place dans ces pays-là pour les femmes ? Toi, tu le constates, tu as fait un rapport, tu as des chiffres, on parle de ces conséquences dans les pays du Sud. Mais finalement, comment est-ce que nous on peut faire en sorte que ça change pour elle là-bas ?
Aminata Niakaté
En fait c’est tout l’objet de ce rapport. Alors au début on pensait que c’était un impensé total et que ce n’était pas documenté. En fait, non. Il y a la déclaration de Rio. Donc dès les années 90, c’est reconnu et documenté au niveau international, cet impact spécifique sur les femmes. Mais à l’international, il y a de grandes déclarations, de belles résolutions non contraignantes et dans la vraie vie, c’est moins concret quoi. C’est moins, c’est moins réel. Et c’est tout l’objet du plaidoyer qu’on essaie de porter depuis l’adoption de ce travail et de ces préconisations. Donc, on préconise une parité totale, notamment aux délégations des COP, la parité – pas seulement dans les assemblées délibératives – mais dans les exécutifs aussi. Là où on prend les décisions, on a observé que quand il y avait une grosse proportion de femmes dans les conseils d’administration des entreprises, l’entreprise avait des pratiques plus vertueuses d’un point de vue environnemental. C’est un rapport femme et environnement de l’OCDE qui en fait état de manière très rigoureuse et très sérieuse.
Charlotte Simoni
En fait, il faudrait diriger comme une femme !
Aminata Niakaté
Je fais une petite digression, mais il y a un ouvrage qui s’appelle « Le coût de la virilité ». Lucile Peytavin met bien en avant tout ça. Mais quand on regarde les proportions dans les secteurs d’industries les plus émetteurs de CO2, ce sont quand même beaucoup les messieurs qui dirigent. Et alors la première chose qu’on a remarqué, c’est que même dans les secteurs de la transition écologique, il y a une majorité d’hommes. En fait, il y a très peu de femmes, car elles ont généralement moins accès à la formation et elles sont donc moins présentes dans les métiers de la transition écologique. Donc c’est un enjeu, un enjeu de mixité dans ces métiers. Et les métiers de la transition écologique, ce sont des métiers qui doivent fournir un effort pour transitionner d’un point de vue écologique. Ces métiers-là, on les appelle « les métiers verts et verdissants ». C’est un peu contre-intuitif, parce que ce sont des métiers qui doivent faire un gros travail. Dans la finance et la banque, il pourrait y avoir des comportements un peu plus vertueux ou en tout cas conditionner leurs financements à l’impact carbone des activités qu’ils financent.
Charlotte Simoni
Quelles sont vos préconisations principales pour donner suite aux études que vous avez pu lire ? Si tu devais faire ressortir les trois principales préconisations, quelles seraient-elles ?
Aminata Niakaté
La première, je dirais, c’est vraiment de documenter, c’est à dire à chaque fois qu’il y a une catastrophe naturelle, on recense combien on a de victimes. D’un point de vue global, c’est rare qu’on précise combien de femmes, combien d’enfants, etc. Donc pousser la recherche pour faire connaître la réalité de l’ampleur de la surexposition des femmes aux conséquences des désordres environnementaux. Il faut améliorer la connaissance des conséquences du dérèglement climatique et des désordres environnementaux sur les femmes. On a demandé au GIEC un rapport spécial pour documenter cet impact spécifique. Ils effectuent un travail sur l’aspect social. Et on s’est dit : il faut qu’il y ait spécifiquement un pointage sur le genre. Parce que faire connaître, ça permet d’évaluer et d’adapter les politiques publiques. Du coup, on a eu des rencontres avec le GIEC et le Ministère de la Transition écologique, avec un point focal sur le genre et le climat. Voilà, on les a alertés sur ce sujet, ils avaient l’air plutôt ouverts à avancer là-dessus. Bon, après c’était une déclaration, un entretien, j’espère que ça suivra.
On est aussi allé voir le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sur la participation aux COP, sur l’impact à l’étranger de nos activités en France, sur les engagements à l’international, y compris à la COP21. Il y a eu plein d’engagements ambitieux de la France à l’international et on s’est dit « et votre diplomatie féministe, ça en est où ? ». Les femmes ambassadrices et les femmes dans les délégations ? Ils sont prêts à avancer là-dessus. Il y a en ce moment même une refonte de leur diplomatie féministe et ils ont été alertés par nous et par d’autres ONG là-dessus. On les a invités aussi à financer les organisations féministes qui sont les plus proactives. Alors, il y a CARE par exemple, Oxfam, qui travaille à l’international et qui finance les petites structures qui travaillent sur ces questions localement. Mais bon, les structures de femmes sont les plus petites structures, elles ont moins accès aux financements à cause de la lourdeur administrative de l’accès aux financements publics. Et ce fonds intermédié permet donc à Oxfam de répondre aux appels d’offres, de récupérer des sommes conséquentes et de les redistribuer localement à des organisations qu’elles connaissent et dont elles connaissent la qualité du travail et de les dégager de la lourdeur administrative. Ça, c’est quelque chose qui existe et dont on a demandé la pérennisation et le renforcement.
On a aussi eu des échanges avec l’AFD qu’on a auditionné qui fournit vraiment un effort là-dessus et qui intègre de plus en plus le genre dans ses programmes de développement, les questions de climat, d’écologie. En France, il y a des entreprises qui essayent de s’engager, qui ont une démarche de responsabilité sociétale et environnementale et sociétale. Elles traitent des inégalités professionnelles d’une part et des questions environnementales, elles ont d’autres engagements, etc. Mais elles n’avaient pas forcément connecté les deux. Donc une des recommandations qu’on avait c’était de sortir d’un fonctionnement en silo.
Charlotte Simoni
Sur les questions de genre, climatiques, environnementales, je pense à ça parce que tu en parles souvent de la parité. Comment est-ce qu’on peut faire pour qu’il y ait une stricte parité à l’avenir, que ce soit au sein des conseils d’administration, que ce soit en politique ? Est-ce que c’est quelque chose dont on peut forcer la main au législateur ou c’est pas du tout possible ?
Aminata Niakaté
Il faut forcer la main, sinon ça n’existe pas. Enfin, moi j’avoue que j’ai longtemps été par principe contre les quotas. Enfin je veux dire, je veux être reconnue à ma juste valeur. Mais force est de constater que s’il n’y avait pas des règles de parité, et bien je ne serai probablement peut être pas élue, probablement pas au CESE. Si ça n’existait pas, il n’y aurait pas la parité dans les conseils de l’ordre, il n’y aurait pas la parité dans les assemblées délibératives. Et pour moi, la prochaine étape, c’est qu’il y ait la parité dans les exécutifs. Parce que la voix pour présider les institutions, c’est d’abord présider les commissions, ensuite être dans les exécutifs. Ensuite, on a l’expérience pour nous permettre de candidater aux postes au plus haut niveau de responsabilité, parce que nous, on a le syndrome de l’imposteur. J’essaie de me battre quotidiennement contre mon propre syndrome de l’imposteur. J’ai besoin de me sentir compétente pour postuler. Et d’ailleurs, c’est marrant, au CESE, j’ai postulé en me disant « allez, si j’étais un homme, j’y serais allée ». Et puis je me suis dit « je fais déjà trop de choses, je ne vais pas y arriver ». C’était vraiment mon premier réflexe et je m’en suis voulu de réagir spontanément comme ça. Et je me suis fait violence. Et s’il n’y avait pas la parité, il y aurait moins de femmes dans les postes à responsabilités. Et il faut continuer, Il faut que ce soit obligatoire.
Charlotte Simoni
Oui, mais comme tu le dis aussi dans ton rapport – au-delà de la parité – il faut aussi régler certains problèmes de mode de garde, des heures de réunion, de pleins de choses.
Aminata Niakaté
Absolument, parce qu’il y a là beaucoup de charges, d’obligations familiales qui pèsent encore sur les femmes. Alors, ça a été compliqué à écrire parce qu’on ne voulait pas assigner les femmes à ce rôle-là, évidemment. Mais la réalité aujourd’hui, c’est quand même celle-là. Et de même qu’on n’a pas envie de taper sur les hommes. Je veux dire, il y en a qui jouent très bien leur rôle, il y a vraiment des hommes féministes tout à fait dans le partage des tâches et c’est normal, mais il faut qu’il y en ait plus. Je ne veux pas dire qu’on leur en est reconnaissant parce que c’est normal. Mais il faudrait qu’ils soient plus nombreux. Et quand ils seront la moitié, on pourra leur être reconnaissants.
Charlotte Simoni
Et ce ne sont pas des hommes qui aident leurs femmes, c’est juste un partage.
Aminata Niakaté
Oui, c’est ça en fait, les tâches qui incombent à leur rôle de père à la famille. Et c’est vrai que quand on fait des horaires de réunion à l’heure de la sortie des crèches, c’est compliqué pour qu’on vienne. J’espère que ça changera grâce à l’important plaidoyer de toutes les organisations féministes, qu’elles soient associatives ou institutionnelles. Il faut être attentif à la parole des femmes. Chez les écolos, on a un truc qui s’appelle la fermeture éclair.
Charlotte Simoni
C’est quoi ?
Aminata Niakaté
C’est à dire qu’un homme ne peut pas prendre la parole tant qu’une femme n’a pas pris la parole. On limite le temps de parole à trois minutes. Bon, pas dans toutes les réunions, mais en tous cas celles de l’équivalent de notre Parlement on va dire. Le Conseil fédéral, c’est trois minutes maximum. Un homme, puis une femme, puis un homme, puis une femme.
Charlotte Simoni
C’est fou d’en arriver là quand même !
Aminata Niakaté
Ben oui, mais il faut ça. Donc pour l’instant, c’est sur la base du volontariat. Nous, c’est notre mécanisme de fonctionnement, mais c’est très bien d’être attentif à recueillir la parole des femmes.
Charlotte Simoni
Et je pense à ça, mais tu ne penses pas aussi qu’on est que tout ce problème de sous-représentation ne vient pas aussi de ce problème de congé maternité ?
Aminata Niakaté
Bien sûr qu’on a besoin d’un congé maternité plus long. On a accouché, c’était plus physique, c’est plus fatiguant, etc. Mais si les hommes avaient strictement le même, est ce qu’il n’y aurait pas moins de soucis ? Est ce qu’on ne pourrait pas être mieux représentées ? Parce que justement, demain, même si ta partenaire accouche, de toute façon, toi aussi tu t’absenteras avec le même délai. Donc il y a des pays de l’Europe du Nord où c’est obligatoire de le prendre, où c’est très mal vu de ne pas le prendre dont on pourrait s’inspirer. Nous, c’est très tabou. Alors pour parler de ma profession d’avocat, c’est très tabou. Dans mon syndicat qui est l’Union nationale des professions libérales, on travaille beaucoup sur cette question du congé maternité. Je suis en train de faire une grosse digression, mais c’est hyper intéressant. Parce que en fait, c’est lié. Donc je suis dans des syndicats où il y a une vraie volonté de faire plus de place aux femmes. Mais c’est plus difficile parce que quand arrive la maternité, on n’a pas le choix, on est physiquement obligé de s’arrêter quelques semaines. C’est un traumatisme pour le corps, il faut bien se donner le temps de s’en remettre. Et puis ça a des conséquences très lourdes sur les rentrées d’argent, alors que nos charges, à l’inverse, continuent et voire on en a de nouvelles parce qu’un enfant est sur le point sur le point d’arriver. Donc très difficile.
En tout cas ce congé maternité un gros impact sur les carrières des femmes. On a obtenu un congé paternité de quatre semaines et on avance, mais ce qui n’est pas assez. Mais c’est un sujet qu’on partage avec d’autres métiers, avec les métiers de l’agriculture. Les femmes sont plus enclines à se lancer dans l’agroécologie, mais sont confrontées à de grosses difficultés avec un statut très précaire. Elles sont souvent conjointes collaborateurs et collaboratrices, donc très peu rémunérées ou marginalement indemnisées. D’ailleurs, je crois que quand on est conjointe collaboratrice, on n’a pas de congé maternité, sauf à recruter un salarié qui remplacerait la personne. Donc c’est très lourd pour des structures qui ne gagnent pas toujours bien leur vie, surtout pour les petites exploitations agricoles. Et ces femmes qu’on a aussi rencontrées, qui sont dans une organisation qui s’appelle la CIVAM, ont développé pas mal de choses pour s’entraider : des réunions en non-mixité, des tips pour devenir associée, pour s’en sortir, pour avoir un rythme d’activités qui leur permette de gagner leur vie, d’avoir moins d’impact environnemental et d’avoir aussi du temps pour elles, pour leur famille.
Charlotte Simoni
C’est comme quand on a entendu le plan de réarmement démographique. J’ai envie de dire : avant de mettre en place ce réarmement, il faut penser à d’autres choses d’abord.
Aminata Niakaté
En tout cas, les femmes entrepreneurs, c’est sûr que ça met un coup d’arrêt. On est nombreuses à revenir au salariat à ce moment là parce qu’on se dit « j’ai un petit congé maternité tranquille en entreprise, au moins je ne serai pas asphyxiée financièrement ». Voilà, après il y a eu des choses qui ont été faites quand même. Il y a eu la députée Marie-Pierre Rixain qui a mis un peu plus de souplesse, en permettant quand on est en congé maternité d’écrire à l’URSSAF pour leur demander de suspendre l’exigibilité des charges, donc de les reporter sans majoration. Voilà, après ce n’est pas automatique. Ça serait également bien que l’on suspende les échéances de prêts bancaires, qu’on ait droit au chômage partiel pour les salariés… qu’on nous aide à survivre à cette période où il faut continuer de payer le salaire des employés, le loyer, les emprunts, l’URSSAF, les impôts, alors même que les indemnités journalières sont extrêmement faibles et pas du tout à la hauteur. Mais pour les personnes qui exercent seules comme moi, c’est très difficile.
Charlotte Simoni
Oui, tout à fait. Dernière petite question qui n’a pas de rapport avec ce qu’on vient de dire là, mais tout est lié. Dans ton rapport, tu parles des bilans carbone. Ça m’a interpellée parce que – comme je te le disais tout à l’heure – j’ai suivi la formation Bilan carbone et vous expliquez qu’il faut intégrer des données genrées dans les bilans carbone. Et je me disais qu’est-ce que ça veut dire : quelles sont vos préconisations par rapport au bilan carbone, au genre ?
Aminata Niakaté
Alors cette préconisation est venue du fait qu’on a auditionné des organisations avec une démarche vertueuse qui accompagnent différents acteurs pour faire leur bilan carbone. On leur a posé la question : est-ce que vous vous êtes intéressés à la question du genre ou pas du tout ? Ce qu’on a réalisé, c’est que c’était un impensé total dans un contexte où on sait que les femmes ont des comportements beaucoup plus vertueux, elles trient plus leurs déchets, font attention à manger moins de viande, font beaucoup plus gaffe dans les conseils de méditation, quand elles sont plus présentes ou dans quand elles sont plus présentes dans la direction. Et donc on s’est dit : comment valoriser ces comportements vertueux ? Et on s’est dit que pour les valoriser, il fallait les quantifier et que la conception des bilans carbone devait intégrer et différencier les comportements des femmes et des hommes pour se rendre compte que peut être que dans le bilan carbone d’une entreprise, il y a ces pratiques-là qui vont dans le bon sens, qui sont des pratiques de femmes. Et en fait, valoriser les pratiques des femmes et que le bilan carbone était le moyen de les évaluer.
Il y a un rapport de la Banque de France qui est sorti l’année dernière qui le met en avant. Et c’est vrai qu’on n’a pas les mêmes loisirs. Enfin non, les hommes aiment beaucoup les sports motorisés, etc. Les sports de vitesse, c’est vrai que je n’aime pas genrer, mais force est de constater que c’est un peu le cas. Et je me souviens qu’on avait eu un débat avec un chercheur, un géographe, un sociologue. Je dis oui, mais en fait, les femmes, elles ont vocation à jouer au foot aussi. Mais est-ce que vous avez déjà vu un stade de foot rempli à 50 % par des femmes ? Et donc je me suis dit : en fait, quand vous mettez un stade de foot en plein milieu du centre-ville, c’est de l’espace que vous réservez aux hommes.
Il y a aussi la question de l’éclairage. Pour revenir sur des choses vertueuses qu’on peut faire pour l’environnement et pour le climat, mais qui peuvent aussi dégrader les droits des femmes. C’est sur l’éclairage public. Alors il y a des villes qui par exemple, le soir, décident de tout éteindre. Mais s’il fait noir, en général les femmes ne sortent pas. Elles ont des stratégies d’évitement des zones sombres, donc ça les enferme chez elles, ça limite leurs possibilités de déplacement, ça les empêche d’aller travailler trop loin parce qu’après il faut rentrer. La sécurité dans les transports en commun est aussi un sujet, alors que le transport en commun, c’est plutôt vertueux. Mais la présence humaine qui est un peu déficiente, pourrait encourager la mobilité. La mobilité des femmes fait aussi des choses qu’on explore dans le rapport sur l’aménagement urbain, où il y a encore beaucoup, beaucoup de choses à faire et à penser. En tout cas, on se dit qu’un éclairage intelligent, ciblé avec une consommation intelligente peut être le bon équilibre. Parce que l’idée ce n’est pas non plus de mettre les femmes en insécurité.
