Comprendre l'exploitation forestière illégale et la déforestation
Épisode 05 - Olivier Bonneau, Fondateur de OBBOIS et Supply Logica
« La cause majeure de la déforestation aujourd’hui est l’expansion agricole ».
Vous l’aurez compris, pour ce nouvel épisode, j’ai décidé de parler d’exploitation forestière illégale et de déforestation.
Je voulais comprendre ce qu’englobait ces termes et en quoi la déforestation était si problématique.
Un sujet abordé avec Olivier Bonneau, fondateur de OBBOIS et Supply Logica, qui accompagne les professionnels dans la mise en œuvre de bonnes pratiques et la lutte contre l’exploitation illégale des forêts.
« Les forêts remplissent des fonctions vitales et sont un véritable régulateur du climat », explique Olivier Bonneau.
En quelques chiffres, les forêts ce sont :
- Un tiers des terres émergées.
- Le deuxième puit de carbone après les océans.
- Le moyen de subsistance directe ou indirecte d’environ 1,6 milliards d’individus.
Pourtant, leurs dégradations et la déforestation progressent à une vitesse alarmante depuis quelques années. Alors, comment assurer une gestion durable des forêts ?
Selon Interpol, le commerce illégal du bois représente environ 150 milliards de dollars, soit le 3ème marché illégal après la contrefaçon et la drogue.
« Et c’est difficile à reconnaitre car rien ne ressemble plus à un bois légal qu’un bois illégal. La problématique est de savoir si l’exploitation est faite de façon durable ou trop intensive ».
Pour contrôler la chaine d’approvisionnement dans la filière bois, la législation européenne impose aux importateurs d’exercer une « diligence raisonnée ». C’est-à-dire de réaliser des évaluations de risques sur la conformité de leurs sources d’approvisionnement et des conditions de récolte (pratiques d’exploitation, gestion de l’environnement, droit du travail, droit des populations locales, etc.).
Mais en décembre 2024, une nouvelle réglementation européenne va entrer en vigueur visant à interdire les importations de produits issus de la déforestation.
Sont ciblés : soja, viande bovine, huile de palme, bois, caoutchouc, cacao et café .
« Notre consommation sur ce type de produits devrait augmenter de 250 000 hectares par an d’ici 2030. L’objectif sera désormais de vérifier que l’exploitation agricole n’a pas lieu sur une terre qui était une forêt avant le 31 décembre 2020 ».
Belle écoute !
CHIFFRES CLÉS
150 000
milliards de dollars, c'est le coût du commerce illégal du bois
10%
c'est la perte de surface des forêts dans le monde entre 1990 et 2020
12%
des gaz à effet de serre mondiaux sont dûs à la déforestation
SOLUTIONS
Pour les professionnels :
- Obbois, l’entreprise fondée Olivier Bonneau, qui accompagne les industriels, importateurs et administrations dans la mise en œuvre de bonnes pratiques et la lutte contre l’exploitation illégale des forêts et la déforestation.
- Supply Logica, qui permet aux opérateurs de collecter des informations d’origine de leurs produits et de vérifier la conformité des approvisionnements à la réglementation européenne sur la déforestation.
Pour tout le monde :
Si vous recherchez une entreprise certifiée FSC ou PEFC ou vous assurer de sa labellisation, rendez-vous sur les bases de données FSC Search et PEFC. Vous pouvez retrouver les informations de certification et de licence à jour de nombreuses sociétés, partout dans le monde. Petite précision : certains distributeurs (comme Castorama, Ikéa, Conforama…) proposent des produits certifiés, mais tous ne le sont pas. Renseignez-vous bien en magasin.
Pour les curieux :
Si vous ne connaissez pas le site Global Forest Watch, foncez y faire un tour ! Grâce à l’imagerie par satellite, les données ouvertes et le calcul à distance, cette carte interactive permet d’observer la déforestation quasiment en temps réel dans le monde entier. Bonne nouvelle : on peut aussi y apercevoir les zones reboisées. L’outil fournit aussi d’autres informations tels que l’état actuel des forêts d’un pays, la législation locale ou la participation d’un état dans la lutte contre le dérèglement climatique.
RESSOURCES
- Évaluation des ressources forestières 2020 (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture – 2020)
- Carbone vert, marché noir (INTERPOL – 2010)
- Brésil, RDCongo : la France, passoire à bois illégal (Greenpeace – 2017)
- Criminalité forestière (INTERPOL)
- Règlement sur le bois de l’Union Européenne (RBUE)
- Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts (Mars 2023)
- Projection des disponibilités en bois et des stocks et flux de carbone du secteur forestier français (Institut national de l’information géographique et forestière – Mai 2024).
- Climate Change 2013 : The Physical Science Basis (GIEC- 2013)
- Boletim mensal integrado dos avisos de desmatamento, degradaçao e queimadas nos Brasil (INPE – 2025)
TRANSCRIPTION DE L'ÉPISODE
Cliquez ici pour lire transcription complète !
Charlotte Simoni
Les forêts, on les connaît pour leur rôle environnemental essentiel à notre planète. N’a-t-on d’ailleurs pas pour habitude de lire ou d’entendre dans les médias que les forêts sont le poumon de la terre ? Et du coup, je me suis demandée : au-delà de leur contribution à l’épuration de l’air, en quoi les forêts sont-elles si importantes ?
Pour répondre à cette question, j’ai interrogé Olivier Bonneau, fondateur des sociétés Obbois et Supply Logica, qui accompagne les professionnels dans la mise en œuvre de bonnes pratiques et la lutte contre l’exploitation illégale des forêts.
Olivier Bonneau
Les forêts, aujourd’hui, c’est 4 milliards d’hectares. C’est à peu près un tiers de la superficie terrestre. Et où qu’elles soient dans le monde, elles jouent un rôle économique, social et environnemental. En France, on va parler de production de bois, on va parler de protection de la biodiversité puisque les forêts sont de véritables réservoirs de biodiversité. Mais dans certains pays, les forêts ont un rôle vital pour les populations : 1,3 milliard d’individus, soit 20 % de la population mondiale, dépendent directement des forêts pour se nourrir, mais également pour leur travail et leurs moyens de subsistance et de revenu. Elles fournissent de l’eau et de la nourriture, de la ressource cynégétique. On parle de chasse. Et énormément de bois de chauffage pour la cuisine. Dans certains pays, c’est fondamental pour cuisiner.
Plus globalement, elles jouent un rôle fondamental dans la lutte contre les changements climatiques. Les forêts, c’est le deuxième puits de carbone après les océans. Elles maintiennent donc la planète au frais. Et évidemment, elles ont un rôle pour réduire les effets de ces changements climatiques.
Charlotte Simoni
Vous l’aurez compris, les forêts remplissent non seulement des fonctions vitales en assurant la subsistance de nombreuses personnes dans le monde, mais sont aussi un véritable régulateur du climat. Pourtant, leur dégradation et leur déforestation progressent à une vitesse alarmante depuis quelques années. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, les forêts auraient ainsi perdu près de 10 % de leur surface dans le monde entre 1990 et 2020.
Un phénomène qui a pour conséquence d’aggraver la crise climatique puisque la déforestation est à elle seule responsable de 11 % des gaz à effet de serre. J’ai donc voulu comprendre en quoi le fait de déforester était si décrié, alors même que nous avons besoin du bois dans notre quotidien.
Olivier Bonneau
Il faut distinguer deux choses : l’aspect déforestation et la légalité. La déforestation n’est pas illégale, mais elle reste problématique. Elle engendre d’autres enjeux, notamment des enjeux relatifs aux populations locales, sur la fiscalité, la gouvernance des États et l’impact que cela peut avoir sur les populations et les travailleurs. Ce qui fait la déforestation aujourd’hui, c’est l’exploitation du bois. Mais la cause majeure, c’est l’expansion agricole. Sur ce point, le curseur est assez simple : il est de dire que l’exploitation doit être fait de façon durable. Une forêt est en mesure de produire du bois de façon durable et ce curseur, il est là pour tracer la limite d’une exploitation trop intense d’une forêt.
L’exploitation forestière, elle se fait sur base d’une gestion. On parle de sylviculture. La forêt doit vivre, et exploiter du bois permet de faire vivre les forêts dans tous les pays. Ça joue un rôle essentiel. Déjà parce que ça crée de l’emploi et qu’on a un matériau qui est formidable parce qu’il est renouvelable. En France, ça joue un rôle particulier puisque ça nous permet aussi d’entretenir nos forêts, de les rendre moins vulnérables aux incendies par exemple. Donc exploiter les forêts, ça joue un rôle essentiel. Et clairement, le bois propose un produit qui peut être issu d’une gestion durable et qui rentre en concurrence avec des matériaux qui ont beaucoup plus d’impact sur l’environnement et notamment le plastique. En Europe, on constate aujourd’hui que la croissance des forêts est de l’ordre de 9 %. On a avancé un chiffre de 40 % d’augmentation de l’offre. Et effectivement, il faut étudier cette question. Quand on a une offre qui augmente de 40 % avec une forêt qui augmente de 9 %, évidemment on se dit qu’il y a danger. Et c’est vrai. Donc ce qu’il faut regarder, à l’échelle de chaque pays, de chaque zone forestière c’est : est-ce que l’exploitation est raisonnable par rapport à la production forestière ?
Charlotte Simoni
Si l’exploitation des forêts doit donc se faire de manière durable, la réalité est tout autre. Alors je me suis demandée d’où pouvait provenir cette exploitation si massive des forêts. Quels étaient les secteurs les plus en demande et surtout quel était l’état actuel de l’offre sur le marché ?
Olivier Bonneau
Le principal facteur de la déforestation, c’est la culture du bétail. On déforeste pour faire des pâturages, énormément d’extensions agricoles, produire de l’alimentation, des aliments pour le bétail, mais également de l’huile de palme, du soja, du cacao, du café qui sont des produits pour lesquels il y a une demande très forte mondiale. La Commission européenne a indiqué une augmentation de 40 % de l’offre issue des forêts européennes, ce qui sous-entend qu’on a augmenté la pression sur les forêts. Évidemment, cette offre s’adapte à un marché et on est sur un marché qui est relativement volatile, en tout cas sur le marché du bois qui est dépendant de beaucoup de facteurs, notamment de la construction, qui est aujourd’hui en crise en France, plus globalement en Europe et même en Asie. Ce qui fait qu’on a une chute du marché du bois, donc de la demande et par conséquent de l’offre. Donc ça se régule.
On a constaté post-covid qu’il y avait une forte demande. Les ménages qui avaient été sous confinement pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, ont investi à l’issue du Covid sur l’aménagement de leur intérieur et l’aménagement de leur extérieur, avec une forte demande sur les bois de terrasse et le mobilier de jardin par exemple. Ça, ça crée une forte demande qui se traduit par une forte pression sur les industries et donc sur les forêts. Et ça sous-entend que pour arrêter ce phénomène, il va falloir changer nos habitudes, nos modes de consommation et ça passe évidemment aujourd’hui par des évolutions réglementaires.
Charlotte Simoni
Justement, en matière de législation de l’exploitation forestière illégale, il existe bien des règles. Ainsi, depuis mars 2013, le règlement sur le bois de l’Union européenne, plus connu sous l’acronyme de RBUE, oblige les importateurs à mettre en place des systèmes de surveillance pour éviter l’entrée sur le marché européen de bois présentant un risque d’être issu d’une récolte illégale.
Mais alors, de quoi parle-t-on au juste ? Comment reconnaît-on un bois illégal d’un bois légal et comment sont contrôlés les importateurs ? Réponse avec Olivier Bonneau.
Olivier Bonneau
Selon Interpol, le commerce illégal du bois représente plus de 150 milliards de dollars. Ça serait le troisième marché illégal après la contrefaçon et la drogue. Et évidemment, c’est un marché qui est très difficile à contrôler puisque rien ne ressemble plus à un bois illégal qu’un bois légal. Autant la contrefaçon et la drogue sont facilement reconnaissables, autant bois illégal est très difficile à reconnaître. On a des labels de type FSC, PEFC qui apportent des garanties qui sont sérieuses sur la conformité légale et l’origine durable de l’exploitation forestière, donc au niveau de l’origine et de la traçabilité dans les chaînes d’approvisionnement. Et puis dans ce qui n’est pas certifié, il y a de 30 à 50 % de bois qui est clairement illégal. Donc, notre rôle est de faire le tri entre ce bois légal et ce bois illégal. C’est très difficile pour un douanier puisque le douanier ne connaît pas le terrain. Et évidemment, on parle d’une réglementation qui est dépendante du pays de récolte. Donc dans chaque pays, il faut maîtriser les lois de ce pays pour pouvoir appréhender la légalité.
Et c’est là où nous développons notre expertise. C’est à dire qu’on travaille sur la base de la réglementation locale de chaque pays dans lesquels on intervient, avec des experts forestiers de ces pays-là qu’on forme et qu’on accompagne sur les techniques d’évaluation et de conformité. On réalise aussi des audits des sociétés forestières sur le terrain. Une mission d’audit, c’est 1 à 2 experts qui vont partir visiter tous les chantiers, tous les sites d’une société d’exploitation forestière pendant une semaine et vont contrôler tout ce qui est relatif à la légalité. Et quand on parle de légalité, on va parler déjà de l’établissement légal de l’entreprise. Donc : est-ce qu’elle est bien enregistrée auprès des auprès des autorités ? Est-ce qu’elle paye ses taxes ? Est-ce qu’elle fait ses déclarations conformément à la réglementation et à la réalité ? On va vérifier évidemment les pratiques d’exploitation forestière. Est-ce qu’elle respecte le code forestier ou en tout cas le cadre légal national ? On va vérifier également le droit du travail : est-ce que les travailleurs ont un contrat de travail ? Est-ce qu’ils ont accès à l’eau potable ? Est-ce qu’ils ont accès aux soins et aux médicaments ? Parce que dans certains pays ou dans des zones très reculées, on parle parfois de deux jours de pirogue pour se rendre sur un chantier forestier.
Charlotte Simoni
Si les professionnels sont donc contrôlés et accompagnés dans leur démarche par des experts comme Olivier Bonneau avec Obbois, doivent-ils nécessairement recourir à des labels ? Je me suis questionnée sur l’importance de la labellisation et si c’était un réel gage de confiance ?
Olivier Bonneau
Effectivement, la certification, c’est un système de traçabilité. Une entreprise européenne qui importe du bois d’un pays tiers de l’Union européenne va avoir ce qu’on appelle une chaîne de contrôle, c’est à dire un système de traçabilité qui est certifié. Ça lui permet d’assurer la traçabilité des produits forestiers. Ça ne veut pas dire qu’elle ne peut pas traiter des produits qui ne sont pas certifiés. Donc il faut faire la distinction. Une entreprise certifiée ne propose pas que des produits certifiés et ce n’est pas obligatoire. Il y a notamment dans la grande distribution une forte demande en produits certifiés. Les distributeurs européens sont soumis à une pression plus importante de la part des ONG. Ils sont surveillés, ils ont pignon sur rue et sont très vigilants sur leur image et demandent à leurs fournisseurs de fournir des produits certifiés. De notre côté, on a des critères qui sont déjà relativement complets. On a plus de 100 indicateurs qu’on utilise sur le terrain pour évaluer les différents critères. Donc ça, dans un premier temps, ça permet d’écarter le bois illégal. Évidemment, on va encourager ces entreprises à toujours aller un peu plus loin, pour aller vers les certifications FSC et PEFC qui sont aujourd’hui les plus reconnues.
Charlotte Simoni
Si la gestion durable des forêts est donc un enjeu majeur pour le climat et la biodiversité, l’Union européenne a souhaité renforcer cette réglementation déjà existante en imposant désormais aux entreprises européennes de prouver que les produits qu’elles mettent sur le marché ne sont pas issus de la déforestation. Objectif : lutter contre la déforestation importée. Olivier Bonneau m’explique plus en détail cette nouvelle réglementation.
Olivier Bonneau
Alors la situation est celle qu’on connaît, avec cet état de déforestation qui est alarmant, et une forte responsabilité de tous les acteurs des chaînes d’approvisionnement, jusqu’au consommateur. Et cette nouvelle directive européenne vise justement à réduire la responsabilité de l’Union européenne dans la déforestation et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les études sur lesquelles se basent aujourd’hui la Commission européenne pour proposer ces évolutions réglementaires estiment que la consommation au sein de l’Union européenne sur les produits bois, café, cacao, soja et huile de palme augmenterait de 250 000 hectares par an d’ici 2030. Donc, c’est considérable dans la filière bois.
Pour la déforestation, l’objectif va être de vérifier que le bois provient d’une exploitation durable. En clair, vérifier que la forêt qu’on a exploitée reste une forêt. À l’issue de l’exploitation forestière dans la filière agricole, l’objectif va être un petit peu différent. On va vérifier que l’exploitation agricole n’a pas lieu sur une terre qui était une forêt avant le 31 décembre 2020. Pour être en conformité avec le règlement, les produits concernés devront donc respecter trois conditions : ne pas être issus de la déforestation, être conforme avec la législation et respecter une déclaration de diligence raisonnée.
Charlotte Simoni
Un dernier point qui m’a interpellé et sur lequel Olivier Bonneau apporte son éclairage.
Olivier Bonneau
Alors une déclaration de diligence raisonnée, c’est une attestation qu’on fait auprès des autorités compétentes européennes pour justifier qu’on a évalué le risque que le produit provienne d’activités illégales et de déforestation et qu’on justifie des mesures qu’on a mis en place pour démontrer que ce produit n’est pas un risque faible. On doit également, avec cette attestation de diligence raisonnée, donner les informations géographiques d’origine. On parle ici d’informations très précises, comme la géolocalisation au point GPS d’origine des produits qui va permettre aux autorités compétentes de faire des contrôles. La Commission européenne annonce des contrôles massifs, qui sont chiffrés directement dans la directive avec 9 % des dédouanements en provenance de pays à risque élevé. On a beau être dans un pays à risque élevé, puisqu’on va avoir une classification des pays, évidemment en fonction de leur taux de déforestation et puis de leur gouvernance.
En gros, on va dire : « OK, j’importe un produit d’un pays à risque élevé, mais je justifie d’un risque faible parce que j’ai fait une évaluation supplémentaire qui me permet de justifier que cette origine est à risque faible, malgré qu’elle soit dans un pays à risque élevé ».
Charlotte Simoni
Pour répondre aux nouvelles normes imposées en matière de dégradation et de déforestation des forêts par l’Union européenne et pallier un manque cruel de solutions pour les professionnels du secteur dans des délais très courts, Olivier Bonneau a créé, en parallèle de sa société Obbois, Supply Logica, un logiciel SaaS de traçabilité et de collecte d’information des produits fabriqués, vendus et achetés. Il m’explique en détail ce nouveau service.
Olivier Bonneau
On propose maintenant un nouveau service qui s’appelle Supply Logica, qui est une plateforme qui permet aux entreprises, et pas seulement celles de la filière bois, mais également celles concernées par cette nouvelle réglementation, un outil pour collecter des informations dans leur chaîne d’approvisionnement et identifier l’origine des produits. Le but ? Formuler un niveau de risque en fonction de cette origine et permettre aux entreprises de faire leur déclaration de diligence raisonnée. Évidemment, quand il y aura un pays ou une origine à risque élevé, l’expertise qu’on a depuis plus de dix ans avec Obbois dans la gestion de ces risques, pourra aider les entreprises à trouver des solutions pour réduire ces risques. Concrètement, ce nouveau service est relativement simple : il suffit de renseigner la description d’un produit qu’on approvisionne avec les coordonnées du fournisseur. Derrière, on prend le relais pour collecter les informations de la chaîne d’approvisionnement pour identifier l’origine des produits. Parce que l’enjeu, la difficulté pour une entreprise, c’est la confidentialité. On parle du secret des affaires. Donc tout le monde ne veut pas dévoiler le nom de son fournisseur.
Donc, on intervient en tiers de confiance. On va collecter les informations qui vont permettre de faire les déclarations aux autorités compétentes et justifier d’un risque faible sur l’utilisateur qui va être sur Supply Logica. On va pouvoir collecter les informations de ses approvisionnements, identifier un niveau de risque et ensuite associer ses approvisionnements à des produits que l’entreprise propose à son client pour lui transmettre également ses informations d’origine, des produits et de niveau de risque.
Localement, l’entreprise dépend de la réglementation locale. Donc le niveau de risque, on le formule auprès du client de l’audit, c’est à dire l’importateur. On va lui dire à ce moment-là que ce fournisseur n’est pas en conformité. Là s’engage une discussion entre l’importateur et son fournisseur. Est-ce que l’entreprise est disposée à mettre en place ce qu’on appelle des mesures de réduction des risques, c’est à dire résoudre les non-conformités ? Auquel cas, quand ces non-conformités sont résolues, on va pouvoir justifier d’un risque faible. Mais si l’entreprise n’est pas disposée à résoudre ces non-conformités, on ne pourra pas formuler un risque faible auprès de l’importateur, donc l’importateur, soit il agit en conséquence de cause, soit il va se reporter vers une autre origine, un autre fournisseur.
On fait un travail qui est tout à fait impartial, qui est basé sur des normes d’audit, qui sont des normes ISO, qui sont très encadrées. On est très regardants sur la qualification de nos auditeurs, leur encadrement et c’est ce qui fait la crédibilité de nos missions. Aujourd’hui, on est reconnu par les plus grands importateurs européens et les autorités compétentes européennes. On est déjà allés présenter nos travaux en Angleterre, aux Pays-Bas, en Belgique pour présenter la qualité de notre travail qui est aujourd’hui reconnue.
Charlotte Simoni
Vous l’aurez compris, qu’il s’agisse de la loi RBUE ou de la nouvelle réglementation européenne qui entrera en vigueur en France le 30 décembre 2024, il est primordial pour les professionnels de respecter un certain nombre de critères pour se mettre en conformité. Mais qu’en est-il de l’aspect social ? Si Olivier Bonneau intègre cette dimension dans ses critères d’évaluation pour Obbois et Supply Logica, la logique est-elle pour autant obligatoire ?
Olivier Bonneau
Depuis 2013 était applicable le règlement bois de l’Union européenne qui portait sur des critères de légalité sur lesquels il y avait relativement peu d’exigences sur les aspects sociaux et environnementaux. Avec notre expertise, on a constaté que c’étaient des problèmes majeurs dans certains pays. Le droit du travail et le respect de l’environnement étaient vraiment un problème majeur et il nous tenait à cœur. Donc on a intégré ça dans nos critères depuis 2013. Cette nouvelle réglementation prend maintenant en compte ces critères là et je dirais même qu’elle est relativement bien faite puisqu’à mon sens, les critères majeurs de risques qui sont applicables dans ces pays-là sont aujourd’hui couverts.
Désormais la difficulté pour un importateur va être de comprendre quels sont ces critères et comment on peut les contrôler. Et c’est là où nous apportons notre expertise en déclinant des grands principes. On parle de légalité, de droit du travail, de droit de l’environnement, de fiscalité, de droit d’accès aux ressources. C’est relativement complexe, c’est dépendant du contexte local. Et c’est là où nous apportons notre expertise pour traduire ces principes en critères qu’on va pouvoir auditer.
Charlotte Simoni
Si cette nouvelle réglementation se veut donc être une avancée majeure en matière d’exploitation forestière illégale, qu’en est-il des sanctions en cas de non-respect que prévoit le texte ? Est-ce assez dissuasif pour réellement sauver notre planète ? Et surtout, que faire si l’exploitation ou les pratiques d’exploitation sur site ne sont pas en conformité ?
Olivier Bonneau
Alors le risque aujourd’hui, il est pour les entreprises d’avoir une amende puisqu’on est sur du réglementaire et de se retrouver avec des produits en stock qu’on ne puisse pas dédouaner et ça chiffre vite en termes de montants, ça c’est important. Mais aujourd’hui, le risque est également sur la réputation. Il y a beaucoup d’ONG qui sont très vigilantes sur les activités des entreprises et qui vont publier des rapports sur les pratiques des entreprises et donc une entreprise qui a son nom cité dans un rapport de ces ONG, c’est dramatique pour la continuité de son activité.
L’augmentation du règlement bois de l’Union européenne s’applique aux émetteurs sur le marché, quelle que soit la taille de l’entreprise, et la nouvelle réglementation sur la déforestation sera applicable de même principe aux émetteurs sur le marché, mais également aux industriels qui ne sont pas des PME, des grandes entreprises. Et elle va s’appliquer également aux entreprises qui vont exporter depuis l’Union européenne vers un pays tiers. Cela veut dire que tous les acteurs des chaînes d’approvisionnement au sein de l’Union européenne qui vont fournir un client, qui est destiné à exporter son produit, vont devoir satisfaire à ces réglementations pour pouvoir permettre à leurs clients de justifier de la conformité de leurs produits. On ne trouvera pas de solution pour rendre un produit qui n’est pas conforme, on ne pourra pas le rendre conforme. Et notre métier, il est d’identifier si malgré le fait qu’on soit dans un pays à risque élevé, on peut justifier que le produit est à risque faible.
Donc, on travaille avec des entrepreneurs dans plusieurs filières. Par exemple, dans le café au Vietnam, il y a des exploitations qui ne sont pas conformes, mais il y en a qui sont conformes. Et notre rôle, c’est de dire « voilà quels sont les critères pour que cette exploitation soit conforme. On peut vous aider à justifier de la conformité de votre exploitation en faisant une vérification sur site. Un audit qui va nous permettre de dire que nous sommes allés voir sur site ». On a pu vérifier déjà que cette exploitation agricole n’était pas une forêt avant le 30 et le 31 décembre 2020 et que les pratiques d’exploitation sur site sont conformes à la réglementation locale en termes de fiscalité, d’enregistrement d’entreprise, de droit du travail, de droit de l’environnement, de la filière concernée, mais également concernant la traçabilité et les procédures douanières. Donc on va pouvoir couvrir l’ensemble des critères et dire « votre exploitation, on peut la défendre vis à vis des autorités compétentes européennes ».
